Boire un petit coup c'est agréable...

Encore une journée brillante d'écoulée... Brian l'avait entammée par un petit footing, comme tous les matins. Et puis il avait passé une bonne partie de la journée à préparer le prochain communiqué du Building. De vilaines rumeurs circulaient, notamment alimentées par Crocker, ce fermier désespéré par la mort de sa femme. Il fallait nécessairement contrecarrer ces allégations avant qu'elles ne gangrènent plus l'opinion. Dans ces petites villes, il était facile de ruiner complètement une réputation. Or le Building avait besoin de gens pour tester les médicaments issus de ses laboratoires, il fallait donc maintenir l'équilibre qu'il avait construit depuis 5 ans : un statu quo entre les sceptiques et ceux qui leurs faisaient confiance.

Puis il avait fait un arrêt au Health Center. Une petite visite de courtoisie au bon Dr Cooper. Peu importait ce que les autres en pensaient. Mine de rien, il appréciait le médecin, et entretenir des relations cordiales avec le personnel médical du coin faisait partie de ses fonctions. Le Dr Cooper ayant le plus de contact avec leurs testeurs, il était normal qu'il le soigne particulièrement...

Au terme donc de cette journée sympathique et fructueuse, il avait décidé de s'octroyer un verre au Cat's Hole, qui, malgré sa réputation sulfureuse, ressemblait suffisament aux bars de New York qu'il fréquentait dans sa jeunesse pour diminuer son mal du pays latent. Et puis il avait toujours l'espoir de dérider un jour la patronne. Mais encore une fois, sa blague tomba à plat :

" Vous êtes sûre que j'ai pied dans un verre comme celui-là ? " Lui lanca-t-il quand Jessica Gibson lui apporta son verre. " Bah... Si jamais, vous me réanimerez ! " conclut-il en lui lancant un sourire lourd de sens.
Jessica roula des yeux avant de poursuivre son service sans même lever un coin de lèvre.

Brian quant à lui plongea dans son verre avec un haussement de sourcils dubitatif.
" Bah... au moins j'aurai essayé... "

Quand on est une journaliste, ce qu'on préfère encore, c'est la filature. Après tout, oui, qu'y a-t-il de plus drôle que de surveiller quelqu'un qui possède des informations importantes dont nous pourrions avoir besoin, n'est-ce pas ? La réponse est rien du tout ! Et après sa visite chez le vétérinaire, Kate se disait bien que ce cher Brian ferait un tour par un tel bar. Prendre des individus en filature n'était pas ce qu'elle avait fait de plus difficile. Elle était curieuse et elle assumait entièrement ! Aussi, pour se mettre dans le ton, elle retira sa pince de ses cheveux et passa sa main dans ses mèches pour leur donner du volume avant de dégrafer son chemisier assez pour que les yeux puissent être contrôlés par la profondeur de sa poitrine. Elle repassa un coup de gloss afin de ne pas détonner dans cet endroit, veste sur la hanse de son long cartable de cuir abîmé.

Puis elle marcha doucement - non sans manquer une seconde de tomber - jusqu'à lui, posant un coude sur le comptoir avant de se retourner pour le regarder dans un sourire charmant... Et charmeur.

_ Pour porter la patronne dans son lit, il faut l'y inviter, non pas l'en jeter.

Elle leva l'index gracieux vers la barmaid pour lui demander un double... Sec. Quand on veut faire impression, il faut paraître grande ! Tout ce qu'elle espérait, c'est qu'elle ne serait pas malade.

[chez le vétérinaire ? lol]

Brian continuait de contempler le fond de son verre, se demandant à quoi il pourrait passer sa soirée, pour finir sa petite journée en beauté. Se contenter d'un verre était sympathique, mais il n'aurait pas craché sur une petite aventure. Rien de forcément mal pensé, mais une petite virée en voiture, une rencontre improbable, un raid dans un hangar abandonné... Non, rayez la dernière proposition, il avait passé l'âge de ce genre d'opération. En mal donc d'inspiration, il guettait chez ses camarades de bar une lueur lui indiquant qu'il y avait du monde de l'autre côté des yeux.
Et puis il entendit une petite voix familière dans son dos. Il sourit avant même de se retourner, certain de son coup.

Et il ne se trompait pas. La charmante petite journaliste du cru avait visiblement décidé de venir se dévergonder.

" Oh vraiment ? " Son sourire s'élargit. " Je pensais pourtant que la tactique du mec difficile à avoir était infaillible... Je me serais trompé ? "

Elle plissa le nez et regarda la barmaid puis Brian.

_ Pour celles qui aiment les bad boys, oui. Quoi, votre professeur d'éducation sexuelle ne vous a jamais enseigné les rudiments de la séduction ?

Elle hissa son popotin sur un des tabourets du bar et rejeta ses cheveux bouclés en arrière d'un geste de la main.

_ Il faut lui sourire, il faut lui montrer votre intérêt sans pour autant lui sauter dessus, bien sûr. Juste ce qu'il faut. Tout passe par le jeu des regards. Les mauvais blagueurs, les filles n'aiment pas trop ça en fait.

Elle secoua la tête en grimaçant avant de poser son menton dans sa main pour le regarder. Elle plissa à nouveau le nez en l'observant non pas d'un oeil féminin mais d'un oeil reporter, pourtant, ce n'était pas flagrant. On aurait juste cru à... Une très mauvaise dragueuse.

_ D'ailleurs les femmes n'aiment pas non plus les mystères, les trucs à énigmes et compagnie. Non, les femmes aiment la franchise, vous voyez ?

Elle remercia brièvement la barmaid de lui apporter son verre qu'elle fit rouler entre ses doigts.

_ La franchise, l'honnêteté, le genre carte sur table, vous comprenez ?

Haussant les sourcils, elle porta son verre dans lequel elle trempa ses lèvres. Si elle ne pourrait l'avoir par le journalisme, elle l'aurait par la tradition !

Brian s'installa confortablement, un coude sur le comptoir et la tête posée sur sa main. Il regardait Kate d'un air amusé. Finalement, la soirée pouvait se révéler intéressante.
Il avait vu revenir la petite journaliste dans sa ville natale, et il avait entendu ce qui se disait d'elle. Apparemment, elle avait changé. Comme quoi, les grandes villes, ca avait du bon ! Il imaginait mal la jolie Kate en boudin insipide, et pourtant, il parait que c'était le cas. Mais du coup, sa transformation en cygne lui laissait un charme particulier, frais, et une incertitude dans le regard très mignonne. Si elle faisait du rentre-dedans, ce n'était certainement pas avec la conviction d'une fille pleine d'expérience, mais peut être plus par de l'esbroufe ? C'était une situation intéressante en tout cas !

Il lui sourit avec un air complice.

" La franchise et l'honnêteté, hein ? " Il donna un léger coup de tête en direction de Jessica. Et il baissa d'un ton, pour être sur que cette derniere ne l'entendrait pas. " Je ne crois pas que si je lui signifie ouvertement que j'aurais bien envie de la mettre dans mon lit ce soir ca me rapporte plus - ou mieux, comme vous voulez - que ma tentative - minable je sais - de la faire rire... "

Il laissa un nouveau silence, prit une gorgée de sa boisson, et, semblant pris d'une inspiration soudaine, il se redressa. Il lui jeta un regard lourd de sens, chargé de séduction et se pencha légèrement vers elle avec son plus beau sourire de dragueur.

" Mais vous, c'est ce qui vous fait vibrer donc ? "

Kate observait son petit manège avec l'envie extrêmement forte de gagner, de l'emporter sur lui et de lui montrer qui elle était. Et puis... De lui tirer les vers du nez à ce chien. Elle pouvait sourire et lui faire les yeux doux, c'était pour mieux masquer la colère qui animait son article encore inachevé, protégé par un mot de passe dont personne n'avait connaissance, caché dans un recoin de son ordinateur. A sa dernière question, elle avait déjà reculé la tête - chassez le naturel, il revient au galop - en le fixant puis d'une main posée sur sa joue, elle le força à se redresser dans un sourire poli et charmeur.

S'humectant les lèvres, elle sourit avant d'inspirer profondément en récupérant sa main.

_ Non mais je peux vous la présenter. Vous faire passer pour un imbécile qui s'est trompée de pilule au réveil et je peux peindre un portrait de vous très attirant, vous attendrez la fin de son service pour lui parler peut-être boire un dernier verre au comptoir. Si ça se trouve, vous l'aiderez à ranger et puis vous vous mettriez à rire en dansant avec des chaises avant de la ramener chez elle, tel un gentleman, sans lui donner de baiser car... Il faut savoir donner envie ?

Elle lui offrit un sourire énorme de la fille qui ne... plaisante pas dans ce qu'elle dit!

Brian haussa les sourcils, l'air franchement amusé. Il avait bien envie de la prendre au mot et de lui faire lui présenter la barmaid. Pourtant, la jolie journaliste était tout aussi intéressante, pour le coup. Il fit donc une grimace à la négative.

" Naaan... vous êtes bien gentille, mais je crois que je marquerai plus de points en me débrouillant tout seul comme un grand. " Il lui fit un petit clin d'oeil complice et repris une gorgée de son verre.

" Cela dit, vous ne m'avez pas répondu : qu'est-ce qui vous fait vibrer, vous ? Le bad boy, le romantisme, l'intello ? "

Une petite discussion badine, de quoi occuper la soirée, aussi bien pour lui que pour elle.
Pour lui, parce qu'elle était charmante et qu'il avait bien l'intention de la faire craquer, tôt ou tard.
Pour elle parce qu'il n'était pas dupe : il savait qu'elle tentait d'obtenir des informations sur son travail et sur son client. Alors tout était bon pour la détourner de ce but.

Elle haussa un sourcil. Ce qui la faisait vibrer, elle ? Les dimanche matins au lit, les salades de chocolat le soir devant "The Bachelor", le patinage artistique, dîner télé le soir devant "Madame est Servie" sur le câble, regarder d'un oeil "Bewitch" en prenant son café, toujours à la bourre, le matin, faire du shopping le samedi après-midi avec les copines ! Restée en apnée, Kate comprit à quel point sa vie était la vie d'une célibataire mais une chose était sûre, ce qui ne la faisait pas vibrer, c'était les hommes à secrets ! Mais ce qui faisait vibrer les hommes, elle en était sûre, c'était l'inaccessible !

Elle sourit en rentrant légèrement la tête dans les épaules, comme désolée. Elle l'observa de longues secondes avant de reprendre.

_ Je ne suis pas votre genre. Vous perdriez votre temps.

Une dernière chose la faisait vibrer.

_ Ce qui me fait vibrer, c'est mon travail.

Brian fit une grimace outrée. Du moins pour l'apparence. Parce qu'apparemment, c'était un point qu'ils avaient en commun. Brian révérait son travail. Outre les aspects techniques qu'il revêtait, frayer avec le gratin, jouer avec le feu en couvrant des histoires plutôt louches, voire carrément illégales, pimentaient sa vie professionnelle avantageusement. Mais par contre, il était aussi certain qu'il ne vivait pas POUR son travail. Les a-coté étaient tout aussi fondamentaux pour lui.

" Aie. J'espere pour vous qu'il n'y a pas que cela dans votre vie. Juste le travail... " il lui offrit un sourire charmeur. Pas encore le grand jeu, mais de quoi paraitre intéressé et prévenant pour la jolie journaliste. Ce qu'il était ! Il avait bien envie de découvrir Kate autrement qu'autours d'un verre. " Et si c'est le cas, alors il va falloir que je vous fasse les honneurs d'un loisir plus distrayant. "

Il conclut avec la mine du chat qui a croqué la souris, une lueur de mystère au fond des yeux. Il espérait bien avoir piqué sa curiosité. Il avait volontairement induit une dimension plus coquine que ce qu'il avait vraiment en tête. IL avait bien envie de voir comment la jeune femme allait réagir. Et se réjouissait d'avance de la surprendre.

Pouffant de rire, Kate secoua la tête dans un sourire ravageur et blanc comme la neige, tel un piège à souris venimeuse.

_ Non, il n'y a pas que mon travail…

Elle se tourna un peu plus vers lui en s'appuyant sur le bar et lui sourit à nouveau avant de le regarder. Dans un geste soutenu, elle replaça son col proprement avant de relever les yeux sur lui.

_ Il y a aussi mon chat.

Elle reporta son verre à ses lèvres pour y prendre une gorgée puis elle leva l'index avant de se racler la gorge en reposant son verre.

_ Et mon chien, aussi. Très important, mon chien. Il est parfois susceptible de manger mes articles…

Le sourire qu'elle lui offrit d'ailleurs était plus qu'une métaphore.

[Vieux motard que jamais donc]